Petit retour en arrière dans le temps qui (tré)passe, jusqu'au mardi 19 mai 2009, néfaste journée qui vit Urmatt et ses environs investis par un impressionnant service d'ordre (sept escadrons de gardes mobiles, de très nombreux gendarmes du Bas-Rhin et une compagnie de CRS) censé maintenir à distance d'éventuels perturbateurs de la "fête du bois" célébrée ce jour-là par un Nicolas Sarkozy plus vrai-faux écolo que jamais.
De passage à la scierie SIAT Braun pour y mettre la filière bois "à l'honneur", l'actuel locataire de l'Elysée avait annoncé à cette occasion « la création d'un fonds d'investissement de 20 millions d'euros (100 millions à terme) pour restructurer une filière trop atomisée » ainsi que sa ferme volonté de voir :
- l'utilisation de bois dans la construction multipliée par dix,
- le prix d'achat de l'électricité produite à partir du bois rien moins que doublé ,
- les permis de construire pour les travaux d'isolation purement et simplement supprimés,
- en enfin la gestion des forêts non exploitées confiée (via l'ONF) à des propriétaires privés.
Résultat des courses, ça tronçonne, élague, rabote, coupe et ratiboise à fond les tronçonneuses, par monts et par vaux !
Au point d'amener Annik Schnitzler, strasbourgeoise d'origine et présentement chercheur et enseignante à l’université de Metz, à lancer ce cri d'alarme : "La forêt alsacienne est menacée !", titre d'un article publié le 4 janvier dernier dans le journal l'Alsace (*).
Spécialisée dans l’étude des forêts primaires, Annik Schnitzler se déclare en effet très pessimiste quant à l’avenir des forêts alsaciennes, au lendemain de deux années pourtant emblématiques en la matière : 2011 (année internationale des forêts) et 2010 (année de la biodiversité) dont le bilan la laisse perplexe : « En France, ces années n’ont servi à rien si ce n’est à publier quelques livres et à organiser des colloques. La crise énergétique n’arrange rien. L’ONF coupe tout ce qui a plus de 60 cm, pratiquant un rajeunissement excessif. C’est le discours du président Sarkozy prononcé à Urmatt en mai 2009 qu’il faut accuser. Il a demandé d’intensifier la production de bois, de couper plus. Ce qui signifie couper la biodiversité. »
Et quid des îlots de vieux bois ? « Les îlots de sénescence sont rarement respectés. La hiérarchie de l’ONF impose de couper la plupart des gros arbres. Les forêts alsaciennes sont pourtant très productives. Mais aujourd’hui, elles sont menacées, par les coupes intenses, par l’ouverture de nouvelles dessertes et le passage d’engins de plus en plus puissants.
La forêt vosgienne a été bien préservée pendant 50 ans, et maintenant, c’est la catastrophe. La forêt rhénane en revanche est mieux préservée grâce au Conservatoire des sites alsaciens. Mais de cette forêt primaire il ne reste qu’un petit îlot de 10 ha à Rhinau... »
Souhaitant enfin que l'Etat accompagne financièrement l’ONF dans une gestion respectueuse de la biodiversité, Annik Schnitzler appelle de ses voeux une société « moins gourmande en énergie et en ressources naturelles » et plus respectueuse « de la nature sauvage en fermant des routes et chemins au tourisme pour créer des zones de silence. »
Et surtout rappelle que « les maires ont le pouvoir de refuser les plans de l’ONF. Ils devraient résister contre la surexploitation de la forêt et soutenir les agents forestiers ONF qui la dénoncent. »
Les maires des communes forestières relevant notamment de la 6e circonscription du Bas-Rhin, et ceux de la vallée de la Bruche en particulier, savent désormais ce qu'il leur reste à faire pour sauver les meubles leur précieux patrimoine...
(*) Lire l'intégralité de l'article : "La forêt alsacienne est menacée".